Le cracheur de feu fulmine : le livre ne l'inclut pas à son programme, quand tous les autres en sont. l'homme-canon, l'acrobate, le trapéziste, le magicien pas moins que l'hercule - tous on les retrouve dans ces pages, et qui jouissent de la faveur d'un plein chapitre. nos préjugés au cou tordu appréhendent désormais mieux le contorsionniste, nos soupirs autrefois farouches ne quittent plus la cage thoracique où le dompteur magistralement les a rencognés. mais, du cracheur de feu - rien. il décide de laver cet affront d'une impitoyable et libératrice missive, à la double adresse de l'auteur oublieux et de son éditeur nonchalant. sur la feuille, sa main se précipite - elle manque de temps pour dire, talonnée par le souffle d'une colère qui déjà consume le papier. son courrier est une oeuvre éphémère, qui à l'écriture adjoint l'autodafé. l'auteur n'a pas compris sa lettre de cendres. thomas werth est né en 1975 à colmar. le coquard du panda, recueil de portraits inspirés du monde du cirque, est sa première publication. extrait du livre : le chapiteau on commande au poète de résumer le chapiteau. c'est un cahier des charges rigoureux et exhaustif auquel il est soumis, tout en contraintes, rappels à l'ordre et mises en demeure. il faudra qu'il en construise une réduction en mots qu'on pourra transporter et dire plus aisément, qu'on ne soit plus embarrassé de tant de matière et d'infrastructure. qu'il ramène l'édifice à quelques formules bien senties, où figurent la vaste piste de sable centrale, les gradins circonspects qui l'enserrent, les deux mâts qui soutiennent l'ensemble sans oublier la toile blanche et rouge venant recouvrir tout cela. mais en moins de mots encore - qu'on puisse faire tenir le tout en une syllabe à peine pour le transporter plus loin avec la même aisance qu'on a pour se transporter soi-même. c'est un sacré gain de temps et d'énergie. on découvre enfin une utilité au poète. la tâche n'est pas exagérément ardue pour ce dernier qu'on a déjà vu comprimer des paysages, plier des continents et dissoudre des océans pour les contenir tout entier dans l'espace exigu d'un livre, sans avoir même recours au tome. c'est là son art ; il ramène l'épopée à la page, l'intrigue au paragraphe, il compresse l'homme tout entier dans la capsule d'un adjectif. le chapiteau, ce n'est pas grand-chose pour l'oeil du poète. même, c'est un peu fruste d'imaginer juste cela, se confie-t-il.